La bête du Gévaudan
La
Bête du Gévaudan serait un animal à l'origine d'une série d'attaques
contre des humains survenues entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767.
Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 à 124 recensées selon
les sources, eurent lieu principalement dans le nord de l'ancien pays du
Gévaudan (qui correspond globalement à l'actuel département de la
Lozère). Quelques cas ont été signalés dans le sud de l'Auvergne, et
dans le nord du Vivarais et du Rouergue.
La « Bête du Gévaudan »
dépassa rapidement le stade du fait divers, au point de mobiliser de
nombreuses troupes royales et de donner naissance à toutes sortes de
rumeurs, tant sur la nature de cette « bête » – vue tour à tour comme un
loup, un animal exotique et même un loup-garou, voire un tueur en série
à une époque plus récenteN 3 — que sur les raisons qui la poussaient à
s'attaquer aux populations — du châtiment divin à la théorie de l'animal
dressé pour tuer.
De 1764 à 1767, deux animaux, identifiés, l'un
comme un gros loup, l'autre comme un animal s'apparentant au loup sans
en être pour autant (bien qu'appartenant aux canidés), furent abattus.
Le gros loup fut abattu par François Antoine, porte-arquebuse du roi de
France, en septembre 1765, sur le domaine de l'abbaye royale des Chazes.
À partir de cette date, les journaux et la cour se désintéressèrent du
Gévaudan, bien que d'autres morts attribuées à la Bête aient été
déplorées ultérieurement. Le second animal fut abattu par Jean Chastel,
enfant du pays domicilié à La Besseyre-Saint-Mary, le 19 juin 1767.
Selon la tradition, l'animal tué par Chastel était bien la Bête du
Gévaudan car, passé cette date, plus aucune mort ne lui fut attribuée.
Premières attaques
La première personne que la Bête
attaqua fut une femme habitant tout près de Langogne, mais des bœufs
arrivèrent et firent fuir l'animal. La femme n'eut donc d'autre mal que
ses habits déchirés. La première victime officielle de la Bête fut
Jeanne Boulet, jeune fille âgée de quatorze ans, tuée le 30 juin 17642,
au village des Hubacs (près de Langogne) dans la paroisse de
Saint-Étienne-de-Lugdarès en Vivarais.
« L’an 1764 et le 1er Juillet,
a été enterrée, Jeane BOULET, sans sacremens, ayant été tuée par la
bette féroce, présans Joseph VIGIER et Jean REBOUL. »
La victime
fut enterrée « sans sacrements », n'ayant pu se confesser avant sa mort.
On relève toutefois sur la consignation de sa mort que le curé de la
paroisse mentionneN 4 qu'elle fut victime de la bête féroce, ce qui
suggère qu'elle ne fut pas la première victime mais seulement la
première déclarée.
Une deuxième victime est rapportée le 8 août.
Âgée de 14 ans, elle habitait au hameau de Masméjean, paroisse de
Puy-Laurent. Ces deux victimes ont été tuées dans la vallée de l'Allier.
Les suivantes, dès la fin du mois d'août, et au cours du mois de
septembre, meurent autour et dans la forêt de Mercoire.
Étienne
Lafont, syndic du diocèse de Mende, se trouvait à Marvejols en cette fin
du mois d'août. C'est depuis cet endroit qu'il envoya des chasseurs de
Mende, dirigés par le sieur Mercier, afin de venir en aide aux chasses
qui se mettaient peu à peu en place à proximité de Langogne2. Cependant,
Lafont se rendit vite compte que ces chasses étaient insuffisantes et
avertit donc M. de Saint-Priest, intendant du Languedoc, et M. le comte
de Montcan, gouverneur de la province, de la situation. C'est ce dernier
qui donna l'ordre au capitaine Duhamel, stationné à Langogne avec ses
dragons, de conduire les opérations de chasse contre la Bête.
Duhamel et les dragons
C'est
ainsi, qu'à partir du 15 septembre, le capitaine Duhamel et ses dragons
débutent leurs chasses, armant les paysans pour qu'ils leur viennent en
aide. Il y avait, cette année-là, quatre compagnies de dragons,
volontaires de Clermont, stationnées à Langogne ou Pradelles et
commandées par Duhamel, capitaine et aide-major. Ces militaires étaient
alors très présents dans les régions autour des Cévennes, du fait des
conflits avec les Camisards au début du siècle (1702-1715). Durant les
multiples battues menées en la forêt de Mercoire, jamais la Bête n'est
aperçue. Cependant, c'est sans doute à cause de ces diverses chasses que
la Bête quitte rapidement cette zone. Elle se déplace alors aux confins
de la Margeride et de l'Aubrac, au début du mois d'octobre.
Le
7 dudit mois, une jeune fille est tuée au village d'Apcher, paroisse de
Prunières, et sa tête n'aurait été retrouvée que huit jours plus tard.
Le lendemain, un garçon vacher de 15 ans est attaqué à proximité de La
Fage-Montivernoux. Ce même jour, la Bête attaque un autre vacher entre
Prinsuéjols et le château de la Baume, propriété du comte de Peyre.
Cependant, le jeune garçon se réfugie parmi ses vaches, qui parviennent à
repousser la Bête. Peu de temps après, des chasseurs qui sortent d'un
bois avoisinant aperçoivent la Bête qui rode encore autour du garçon.
Deux de ces chasseurs tirent et touchent la Bête qui, par deux fois,
tombe puis se relève. Personne n'arrive cependant à la rattraper alors
qu'elle s'enfuit dans un bois. La battue qui est organisée le lendemain
se solde par un échec. Deux paysans affirment avoir vu l'animal sortir,
en boitant, durant la nuit. Ainsi, et pour la première fois, la Bête a
été blessée. C'est pendant ce mois d'octobre 1764 que la Bête perpétua
ses attaques les plus méridionales, notamment celle qui coûte la vie à
Marie Solinhac, attaquée au Brouilhet, sur la commune des Hermaux.
Le
2 novembre, Duhamel et ses 57 dragons quittent Langogne pour
s'installer à Saint-Chély, chez l'aubergiste Grassal9. Ce n'est pourtant
que le 11 novembre qu'ils peuvent effectuer leur première chasse, en
raison d'importantes chutes de neige. Voyant le manque de résultat des
chasses jusqu'à présent, les États du Languedoc se réunissent le 15
décembre, et promettent une prime de 2 000 livres à qui tuerait la Bête.
Cinq nouvelles personnes meurent pourtant après une attaque attribuée à
la Bête durant ce mois de décembre.
L'appel aux prières
Le
31 décembre 1764, l'évêque de Mende, monseigneur Gabriel-Florent de
Choiseul-Beaupré, également comte de Gévaudan, lance un appel aux
prières et à la pénitence. Cet appel est resté dans l'Histoire sous le
nom de « mandement de l'évêque de Mende ». Tous les prêtres du diocèse
ont pour ordre de l'énoncer à leurs fidèles. Dans ce texte, l'évêque
qualifie la Bête de fléau envoyé par Dieu pour punir les hommes de leurs
pêchés. Il cite saint Augustin pour évoquer la « justice de Dieu »,
ainsi que la Bible et les menaces énoncées par Dieu à travers la bouche
de Moïse : « j'armerai contre eux les dents des bêtes farouches ». À
l'issue de ce mandement, il est ordonné que soient respectées quarante
heures de prières et de chants, et ce durant trois dimanches
consécutifs.
Mais les prières semblent vaines, puisque la Bête
continue son massacre en ce début d'année 1765. Au cours des mois de
janvier et de février, les chasses de Duhamel et des dragons s'avèrent
infructueuses. Les habitants des lieux se plaignent, par ailleurs, de
l'attitude des dragons. Ils sont ainsi accusés de ne pas payer les
logements ni la nourriture, ou encore de détruire les récoltes. Le
conseiller du Roi, Clément Charles François de L'Averdy, envoie alors un
chasseur normand, le sieur Denneval (ou d'Enneval), pour les suppléer.
Il est réputé bon chasseur de loups, puisqu'il en aurait abattu plus de 1
200. Martin Denneval et son fils se rendent donc en Gévaudan au milieu
du mois de février.
Le combat de Portefaix
Avant
l'arrivée des Denneval, le 12 janvier, la Bête s'attaque à sept enfants
du Villaret, paroisse de Chanaleilles. Le combat qui l'a opposée aux
jeunes bergers et le courage dont ces derniers ont fait preuve sont
restés dans les annales. Depuis l'apparition de la Bête, il était
recommandé de ne pas envoyer seuls les enfants garder le bétail.
L'élevage dans cette région était principalement celui des vaches et des
moutons. Cependant, les hommes adultes étaient souvent occupés aux
travaux des champs. Pour limiter les positions de faiblesse que
présentent des enfants seuls, les troupeaux sont donc souvent groupés
afin que les jeunes gardent ensemble les animaux.
C'est
le cas des sept enfants du Villaret, cinq garçons et deux filles âgés
de huit à douze ans. La Bête s'attaque à eux, tournant autour des
enfants qui s'étaient regroupés en position de défense. Elle s'empare
alors de l'un des plus jeunes garçons, mais les autres réussissent à
piquer la Bête à l'aide de lames fixées sur des bâtons, jusqu'à lui
faire lâcher prise. Elle a cependant le temps de dévorer une partie de
la joue droite de sa victime. Elle revient ensuite à la charge,
saisissant Joseph Panafieu, le plus jeune, par le bras, et l'emportant
avec elle. L'un des jeunes suggère alors de s'enfuir pendant qu'elle est
occupée, mais un autre, Jacques André Portefaix, énonce le contraire.
Ils accourent alors pour secourir leur infortuné compagnon, tentant de
piquer la Bête au niveau des yeux. Ils parviennent finalement à lui
faire lâcher prise et à reculer. À l'arrivée d'un ou plusieurs hommes,
alertés par les cris, la Bête s'enfuit dans un bois voisin.
Monsieur
de Saint-Priest informe monsieur de l'Averdy de ce combat. Et, pour le
récompenser de son courage, le Roi offrit de payer l'éducation de
Jacques Portefaix. Ainsi, le 16 avril 1765, Portefaix est admis chez les
Frères de la Doctrine Chrétienne, ou Frères Ignorantins, de
Montpellier. Il y reste jusqu'en novembre 1770, date à laquelle il entre
à l'école du Corps Royal d'artillerie. Il devient ensuite lieutenant,
sous le nom de Jacques Villaret, et meurt le 14 août 1785, à l'âge de 32
ans.
L'arrivée des Denneval
C'est
le 17 février 1765 que les Denneval arrivent à Clermont-Ferrand où ils
sont présentés à l'intendant d'Auvergne, monsieur de Ballainvilliers. Le
lendemain, ils sont à La Chapelle-Laurent et, le surlendemain, à
Saint-Flour. C'est au début du mois de mars qu'ils prennent place en
Gévaudan.
Ce mois de mars est le témoin du combat héroïque de
Jeanne Jouve pour sauver ses enfants. Jeanne Chastang, femme de Pierre
Jouve, domiciliée au mas de la Vessière (Saint-Alban) est devant sa
maison avec trois de ses enfants vers midi en ce 14 mars. Soudain,
attirée par un bruit, elle s'aperçoit que sa fille de 9 ans vient d'être
saisie par la Bête qui est passée par-dessus la muraille. La fille
Jouve tenait, qui plus est, le plus jeune des garçons, âgé de 14 mois
environ. Jeanne Jouve se jette alors sur la Bête et parvient à lui faire
lâcher prise. Cette dernière revient malgré tout à la charge sur le
plus jeune des enfants, mais elle ne peut l'atteindre, car la mère le
protège. La Bête se jette alors sur l'autre garçon, Jean-Pierre, âgé de 6
ans, le saisit par le bras et l'emporte. Jeanne Jouve se jette à
nouveau sur la Bête. S'en suit un long combat où Jeanne Jouve est
repoussée au sol, griffée, mordue à plusieurs reprises. Finalement la
Bête, qui tient toujours Jean-Pierre, parvient à s'échapper, mais elle
se retrouve face aux deux plus grands enfants Jouve, qui se préparaient à
emmener le troupeau aux pâtures. Ces derniers parviennent à libérer
leur jeune frère et à faire fuir la Bête. Jean-Pierre succomba cependant
à ses blessures quelques heures plus tard. En récompense de son acte
héroïque, Jeanne Jouve reçut 300 livres de gratification de la part du
roi.
Les
Denneval, eux, s'installent en Gévaudan. Dès leur arrivée, ils veulent
l'exclusivité des chasses, et doivent donc éliminer Duhamel. Ils font
alors intervenir monsieur de l'Averdy et, le 8 avril, Duhamel et ses
dragons doivent quitter le pays pour leur nouvelle affectation de
Pont-Saint-Esprit. Cependant, les Denneval tardent à lancer de grandes
chasses, la première n'intervenant que le 21 avril. Le but de cette
première chasse semblait être de ramener la Bête vers Prunières et les
bois appartenant au comte de Morangiès. S'ils purent approcher la Bête,
celle-ci parvint à s'échapper sans qu'ils ne puissent tirer.
En
ce mois d'avril 1765, l'histoire de la Bête se répand dans toute
l'Europe. Le Courrier d'Avignon relate ainsi que des journalistes
anglais tournent en dérision le fait que l'on ne puisse abattre un
simple animal. Pendant ce temps, monseigneur l'évêque ainsi que les
intendants doivent faire face à un afflux massif de courrier. Des
personnes de toute la France proposent des méthodes plus ou moins
farfelues pour venir à bout de la Bête.
Le 1er mai, la Bête se
trouve à proximité du bois de la Rechauve, entre Le Malzieu et
Saint-AlbanN . Alors qu'elle s'apprête à attaquer un jeune berger, un
homme, l'un des frères Marlet du hameau de La Chaumette, situé au
sud-est de Saint-Alban, l'aperçoit depuis la fenêtre de sa maison,
située à 200 mètres de là environ. Il prévient alors ses deux frères et
tous s'empressent de s'armer et de sortir de la maison. La Bête aurait
reçu deux coups de fusil, serait tombée à chaque fois avant de pouvoir
se relever. Elle parvient à s'échapper bien que blessée au cou. Le
lendemain, Denneval, prévenu entre temps, se rend sur place et poursuit
la trace accompagné d'une vingtaine d'hommes. Tous espèrent que la Bête a
été blessée à mort. L'annonce qu'une femme a été tuée dans
l'après-midi, sur la paroisse de Venteuges, les détrompe finalement.
Le
lendemain de cette chasse, le marquis Pierre-Charles de Morangiès écrit
au syndic Étienne Lafont pour se plaindre des Denneval : « MM. Denneval
arrivèrent et donnèrent comme à l'ordinaire de jactance de l'inutilité
la plus désolante. (...) vous qui êtes homme politique êtes obligé de
dévoiler aux yeux des puissances l'effronterie de ces normands qui n'ont
d'humains que la figure. ». Le 18 mai, Morangiès adresse une nouvelle
lettre de plainte auprès de Lafont, alors que les chasses des Denneval
sont toujours infructueuses. Le 8 juin, sur ordre du Roi, François
Antoine, porte-arquebuse de sa majesté, quitte Paris pour le Gévaudan.
Il est accompagné de son plus jeune fils, Robert François Antoine de
Beauterne, mais également de huit capitaines de la garde royale, six
gardes-chasse, un domestique, et deux valets de limiers.
Antoine remplace Denneval
C'est
le 20 juin que le porte-arquebuse, souvent nommé « Monsieur Antoine »,
arrive à Saint-Flour. Investi du pouvoir du Roi, il ne peut pas échouer
dans sa mission. Il s'installe au Malzieu, qu'il atteint le 22 juin.
Antoine et ses hommes se joignent alors à Denneval lors de différentes
chasses. Cependant, il ne parvient pas à s'accorder avec ce dernier sur
la manière dont les chasses doivent être conduites. La cohabitation
semblant impossible, les Denneval quittent le pays le 18 juillet sur
ordre du Roi. Pour Antoine, la Bête n'est rien d'autre qu'un loup, c'est
d'ailleurs ce qu'il écrit dans l'une de ses nombreuses correspondances :
les traces relevées n'offrent « aucune différence avec le pied d'un
grand loup ». Le porte-arquebuse ne parvient cependant pas immédiatement
à débusquer l'animal. Il est mis à mal par la géographie du pays et
demande donc de nouveaux chiens en renfort. Il reçoit également le
secours du comte de Tournon, gentilhomme d'Auvergne.
Le
dimanche 11 août, il organise une grande battue. Pourtant, cette date ne
reste pas dans l'Histoire pour ce fait, mais pour l'exploit réalisé par
« la Pucelle du Gévaudan ». Marie-Jeanne Valet, âgée d'environ 20 ans,
était la servante du curé de Paulhac. Alors qu'elle emprunte, en
compagnie d'autres paysannes, une passerelle pour franchir un petit
cours d'eau, elles sont attaquées par la Bête. Les filles font quelques
pas de recul, mais la Bête se jette sur Marie-Jeanne. Cette dernière
arrive alors à lui planter sa lance dans le poitrail. La Bête se laisse
alors tomber dans la rivière et disparaît dans le bois. L'histoire
parvient rapidement à Antoine, qui se rend alors sur les lieux pour
constater que la lance est effectivement couverte de sang, et que les
traces retrouvées sont similaires à celle de la Bête. C'est dans une
lettre au ministre qu'il surnomme Marie-Jeanne Valet la « pucelle du
Gévaudan ».
Les Chastel emprisonnés
Quelques jours plus tard, le 16 août, se produit un événement qui
aurait pu rester dans l'anonymat s'il n'avait pas été lié à la famille
Chastel, dont Jean, le père, est reconnu comme le pourfendeur de la
Bête. Ce jour, une chasse générale est organisée dans le bois de
Montchauvet. Jean Chastel et ses deux fils, Pierre et Antoine, y
participent. Deux des gardes-chasses de François Antoine, Pélissier et
Lachenay, passent à leur côté et demandent leur avis sur le terrain
avant de s'engager, à cheval, dans un couloir herbeux entre deux bois.
Ils veulent en effet s'assurer qu'il ne s'agit pas là de marécages. Les
Chastel les assurant de la sûreté du sol, Pélissier s'engage alors sans
crainte, avant que son cheval ne s'embourbe et qu'il soit désarçonné.
C'est non sans mal qu'il parvient, avec l'aide de Lachenay, à sortir du
marécage, pendant que les Chastel s'amusent de la situation. Les deux
gardes-chasses s'emparent alors du plus jeune des Chastel afin de
l'amener auprès de François Antoine. L'aîné et le père prennent alors
Lachenay en joue en lui imposant de relâcher le plus jeune. Alors que
Pélissier lui vient en aide, il est lui aussi mis en joue. Les
gardes-chasses sont donc contraints de battre en retraite. Le soir, ils
rédigent un procès verbal pour relater les faits, et, sur ordre de
François Antoine, les Chastel sont arrêtés et emprisonnés à Saugues. La
consigne qui est donnée aux juges et consuls de la ville par Antoine est
la suivante : « Ne les laissez sortir que quatre jours après notre
départ de cette province ». Le fait qu'il y ait eu un ralentissement des
attaques de la Bête durant la période de cet emprisonnement est souvent
repris par certains auteurs pour établir un lien entre la famille
Chastel et la Bête.
Le loup des Chazes
Durant
la deuxième quinzaine du mois de septembre, vers le 20 ou le 21,
François Antoine est averti qu'un gros loup, peut-être la Bête, rôde
près du bois des dames de l'abbaye des Chazes, à proximité de
Saint-Julien-des-Chazes. Même si, jusqu'alors, la Bête ne s'était jamais
rendue de ce côté de l'Allier, Antoine décide de s'y porter. Il fait
cerner, avec l'aide de 40 tireurs venus de Langeac, le bois de Pommier.
Et c'est lui, François Antoine, qui débusque l'animal, qui se retrouve à
50 pas de sa personne. Il tire, la bête tombe, se relève, et se jette
sur lui. Le garde Rinchard, qui se trouve à proximité, tire à son tour
et abat l'animal. Selon le procès verbal dressé par François Antoine,
cet animal n'est autre qu'un gros loup qui pèserait dans les 130 livres.
Ils le transportent alors à Saugues, où il est disséqué par le sieur
Boulanger, chirurgien de la ville. Selon ce même procès verbal,
plusieurs témoins confirment qu'il s'agit bien là de la Bête qui les a
attaqués. Parmi les témoins cités se trouvent Marie-Jeanne Valet et sa
sœur.
Presque immédiatement après la rédaction du procès
verbal, Antoine de Beauterne, le fils, charge l'animal sur son cheval
afin de se rendre à Paris. Il fait cependant étape à Saint-Flour pour le
montrer à M. de Montluc. Il arrive à Clermont-Ferrand dans la soirée.
Là, il fait naturaliser et embaumer l'animal. Le 27 septembre, Antoine
de Beauterne quitte Clermont avec l'animal et arrive à Versailles le 1er
octobre. La bête est alors exposée dans les jardins du Roi. Pendant ce
temps, François Antoine et ses gardes-chasse sont restés en Auvergne et
continuent de chasser dans le bois alentour de l'abbaye royale des
Chazes, où une louve et ses petits ont été signalés. Le dernier de ces
louveteaux est abattu le 19 octobre. François Antoine et ceux qui
l'accompagnent peuvent alors quitter le pays, ce qu'ils font le 3
novembre.
Officiellement, la Bête du Gévaudan est morte, tuée par
le porte-arquebuse du Roi, François Antoine. Peu importe les événements
qui ont suivi, le loup des Chazes était bien la Bête. Ce caractère
officiel a d'ailleurs été confirmé en 1770 lorsque François Antoine
s'est vu accorder, par brevet, le droit de porter un loup mourant,
symbolisant la Bête, dans ses armes.
Les nouvelles attaques
Le
mois de novembre se déroule sans qu'aucune attaque ne soit relevée. Le
peuple commence à considérer qu'Antoine a bien tué le monstre qui
terrorisait le pays. Dans une lettre du 26 novembre, Lafont indique
d'ailleurs à l'intendant du Languedoc : « On n'entend plus parler de
rien qui ait rapport à la Bête ». Rapidement pourtant, la rumeur
commence à relater des attaques qu'aurait commises la Bête vers Saugues
et Lorcières. Ces attaques sont épisodiques jusqu'au début de l'année
1766, et le peuple comme Lafont ne savent s'ils doivent attribuer ces
méfaits à la Bête ou à des loups. Cependant, le 1er janvier, M. de
Montluc, dans une lettre à l'intendant d'Auvergne, semble persuadé que
la Bête a bien reparu. Ce dernier alerte le Roi, mais celui-ci ne veut
plus entendre parler de cette Bête puisque son porte-arquebuse en est
venu à bout. À partir de cet instant, les journaux n'ont d'ailleurs plus
relaté les attaques survenues en Gévaudan ou dans le sud de l'Auvergne.
Le
24 mars, les États particuliers du Gévaudan se tiennent en la ville de
Marvejols. Étienne Lafont et le jeune marquis d'Apcher préconisent
d'empoisonner des cadavres de chiens et de les porter aux passages
habituels de la Bête. Les attaques se sont d'ailleurs multipliées durant
ce mois de mars, et les gentilshommes du pays se sont aperçus que leur
salut ne viendrait pas de la cour du Roi. La Bête, elle, semble ne plus
parcourir autant de terrain qu'auparavant. Elle s'est, en effet, fixée
dans la région des trois monts : mont Mouchet, mont Grand et mont
Chauvet. Ces trois sommets sont distants d'environ 15 kilomètres l'un de
l'autre.
Les mesures prises s'avèrent inefficaces. De petites
battues sont bien organisées, mais en vain. La Bête continue ses
attaques durant toute cette année 1766. Il semble cependant que son mode
opératoire ait légèrement changé, elle serait moins entreprenante,
beaucoup plus prudente. C'est en tout cas ce qui est écrit dans les
diverses correspondances, comme celles du curé de Lorcières, le chanoine
Ollier, à destination du syndic Étienne Lafont.
La Bête de Chastel
Au
début de l'année 1767, une légère accalmie des attaques se fait sentir.
Mais au printemps, on assiste à une recrudescence des attaques. Le
peuple ne sait plus que faire pour en venir à bout, si ce n'est prier.
Alors les pèlerinages se multiplient, principalement à
Notre-Dame-de-Beaulieu et à Notre-Dame-d'Estours. L'un d'eux est resté
célèbre, au début du mois de juin, puisque la légende veut que Jean
Chastel y aurait fait bénir trois balles, fondues à partir des médailles
de la Vierge Marie qu'il portait à son chapeau.
Le
18 juin, il est rapporté au marquis d'Apcher que, la veille, la Bête
avait été vue dans les paroisses de Nozeyrolles et de Desges. Elle
aurait tué, dans cette dernière paroisse, Jeanne Bastide, âgée de 19
ans, au village de Lesbinières. Le marquis décide de mener une battue
dans cette région, sur le mont Mouchet dans le bois de la Ténazeire, le
19 juin. Il est accompagné de quelques volontaires voisins, dont Jean
Chastel, réputé excellent chasseur.
Alors que ce dernier se
trouvait au lieu dit la « sogne » d'Auvers, un carrefour de chemins, il
vit passer l'animal, lui tira dessus et parvint à l'atteindre à
l'épaule. Rapidement, les chiens du marquis seraient arrivés pour
achever la Bête.
De ce coup de fusil, la légende a conservé le
discours romancé de l'abbé Pierre Pourcher qu'il disait tenir de la
tradition orale de sa famille : « Quand la Bête lui arriva, Chastel
disait des litanies de la Sainte Vierge, il la reconnut fort bien, mais
par un sentiment de piété et de confiance envers la Mère de Dieu, il
voulut finir ses prières ; après, il ferme son livre, il plie ses
lunettes dans sa poche et prend son fusil et à l'instant tue la Bête,
qui l'avait attendu. »
Huit jours après la destruction de la Bête
par Jean Chastel, le 25 juin, une louve qui, selon plusieurs
témoignages, accompagnait la Bête, est tuée par le sieur Jean Terrisse,
chasseur de monseigneur de la Tour d'Auvergne. Il reçoit alors 48 livres
de gratification.
Le destin de la Bête
Arrivée au château du Roi, la Bête est dans un état de putréfaction avancé. Boulanger s'est en effet contenté de vider les entrailles et de les remplacer par de la paille. Le trajet et la chaleur n'ont pas dû favoriser la conservation. Lorsque Chastel (ou Gilbert) demande une entrevue avec le Roi pour lui présenter la Bête, cette demande est refusée en raison de l'état de l'animal. C'est donc Georges-Louis Leclerc de Buffon en personne qui l'examine et conclut qu'il s'agit là d'un loup de grande taille. La Bête est alors enterrée dans un jardin du château sans que rien n'en soit conservé. Il n'y a pas non plus trace de ce que Buffon aurait pu écrire sur la Bête. Réunis le 9 septembre, les États particuliers du Gévaudan octroyèrent à Jean Chastel une modique récompense s'élevant à 72 livres.
La
Bête est alors portée au château de Besque, vers Charraix, résidence du
marquis d'Apcher. On mande le notaire Marin, qui établit un rapport
très précis sur les dimensions de l'animal. Il est accompagné du
chirurgien de Saugues, le sieur Boulanger, et de son fils, ainsi que
d'Agulhon de la Mothe, médecin. La Bête est ensuite empaillée par
Boulanger, et est exposée au château de Besque. Le marquis d'Apcher ne
rechigne pas à la dépense pour recevoir fastueusement la foule qui
s'empresse de venir voir la Bête. De nombreux témoignages de victimes
d'attaques viennent alors s'inscrire au rapport Marin. La Bête reste
donc un long moment à Besque (une douzaine de jours). Le marquis
d'Apchier mande alors un domestique, le dénommé Gilbert de l'emmener à
Versailles pour la montrer au Roi. Suivant les écrits de l'abbé Pourcher
il est admis que Jean Chastel était également du voyage. Cependant, des
études durant l'année 2010 affirment que si ledit Gilbert a
effectivement amené la Bête à Paris, rien ne prouve que Chastel était
également du voyage.
Arrivée au château du Roi, la Bête est dans un état de putréfaction avancé. Boulanger s'est en effet contenté de vider les entrailles et de les remplacer par de la paille. Le trajet et la chaleur n'ont pas dû favoriser la conservation. Lorsque Chastel (ou Gilbert) demande une entrevue avec le Roi pour lui présenter la Bête, cette demande est refusée en raison de l'état de l'animal. C'est donc Georges-Louis Leclerc de Buffon en personne qui l'examine et conclut qu'il s'agit là d'un loup de grande taille. La Bête est alors enterrée dans un jardin du château sans que rien n'en soit conservé. Il n'y a pas non plus trace de ce que Buffon aurait pu écrire sur la Bête. Réunis le 9 septembre, les États particuliers du Gévaudan octroyèrent à Jean Chastel une modique récompense s'élevant à 72 livres.
Source : wikipedia.org